BENYEKHLEF Karim
Université de Montréal – Faculté de droit
Le droit global a constitué une partie de l’armature normative de la mondialisation depuis la chute du Mur de Berlin et la consécration du consensus de Washington. Ses dimensions prescriptives n’étaient pas neutres. Le droit global a incarné et continue d’incarner un ordre juridique s’articulant autour des intérêts marchands bien compris des grands opérateurs économiques. Il correspond à la distinction schmitienne entre dominium et imperium. Le contexte géopolitique remet en cause les intérêts du dominium au nom de l’imperium. Le réalisme se rappelle au souvenir des idéalistes qui croyaient que le commerce allait aplanir les différences et se faire vecteur de la démocratie. L’espace global marchand cède le pas à une approche néo-mercantiliste, marquée par la nature purement transactionnelle des rapports commerciaux, voire politiques. Dans cette configuration, le droit global ne disparaît pas, mais son suffixe est appelé à s’adapter à la fragmentation et à la réorganisation des espaces marchands. En admettant la persistance normative d’un droit global « adapté », il importe alors d’instaurer un contrepoids à celui-ci par le truchement des droits économiques, sociaux et culturels (DESC). Il convient de faire preuve d’imagination en consacrant la justiciabilité des DESC, en accordant un droit d’agir en justice aux individus et en permettant l’opposabilité de ces droits aux opérateurs économiques. Une remise en cause relative du droit de propriété apparaît sans doute nécessaire pour assurer un réel équilibre des droits des acteurs. Cette perspective se révèle d’autant plus urgente et impérative au regard de la crise climatique.
Karim Benyekhlef est professeur à la Faculté de droit de l’Université de Montréal depuis 1989. Il est détaché au Centre de recherche en droit public depuis 1990 et en a assuré la direction de 2006 à 2014. Il a assuré la direction du Regroupement stratégique Droit, changements et gouvernance, regroupant une cinquantaine de chercheurs, de 2006 à 2014. Il fut aussi directeur scientifique du Centre d’études et de recherches internationales de l’Université de Montréal (CÉRIUM) de 2009 à 2012. Il assure actuellement la direction du Laboratoire de cyberjustice, qu’il a fondé en 2010. Le Laboratoire de cyberjustice a obtenu en 2015 le Prix Mérite Innovation du Barreau du Québec. Ses champs d’enseignement et de recherche sont le droit constitutionnel (droits et libertés de la personne), le droit international, le droit des technologies de l’information, la théorie et l’histoire du droit. Karim Benyekhlef a fondé en 1995 la revue juridique électronique Lex Electronica, la toute première revue juridique en ligne en langue française. Il est également l’instigateur des tous premiers projets de règlement en ligne des conflits sur Internet (Projet CyberTribunal, 1996-1999, eResolution, 1999-2001, ECODIR, 2001). Ces plateformes de résolution de conflits sont aujourd’hui en usage au sein des tribunaux au Québec, en Ontario, en Saskatchewan et en France. ll dirige maintenant le projet «Autonomisation des acteurs judiciaires par la cyberjustice et l’intelligence artificielle» (Projet AJC) dans le cadre du programme de partenariat du CRSH (2018-2026). Ce projet vise à mettre l’intelligence artificielle (IA) au service des justiciables et des acteurs judiciaires afin d’accroître l’accès à la justice. AJC réunit, pour 8 ans, une équipe multidisciplinaire et internationale composée de plus de 50 chercheurs et de 42 partenaires représentant des centres de recherche, des institutions publiques, des professionnels du droit, des représentants de la société civile et des acteurs du secteur privé. Il est titulaire de la Chaire de recherche LexUM en information juridique depuis octobre 2014. Il a reçu en 2016 la distinction Advocatus Emeritus (Avocat émérite) du Barreau du Québec.
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